
Ce livre coordonné par Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna rassemble des travaux divers, fouillés empirique- ment, qui portent sur l’enquête ouvrière au 19ème et 20ème siècle. Comme l’indique l’introduction, l’enquête se distingue « de l’étude, par le contact avec la réalité observée ; du témoignage, par la dis- tance qu’entraîne la dissociation de l’auteur et du sujet et le caractère méthodique des réflexions déployées » (p. 6). La réalité que cible l’enquête ouvrière est issue de l’industrialisation qui boule- verse et modernise les sociétés, en plongeant une partie de la population laborieuse dans le paupé- risme. Le livre délivre la très grande diversité des actrices et acteurs, des thématiques, desseins et méthodes mobilisées dans ces enquêtes ayant pour objet la condition de la classe ouvrière. Loin de porter seulement sur les conditions de travail dans les usines, elles prennent en compte aussi d’autres aspects comme le logement, les pratiques de consommation, la santé et l’hygiène, les loisirs, la sociabilité ou encore les pratiques militantes. En dépit des nombreuses contributions riches et ori- ginales, le livre est très hétéroclite et n’aborde ni certaines thématiques (comme la spécificité du travail migrant et celui dans les colonies, le mou- vement ouvrier et son lien avec le quotidien des ouvriers, la condition ouvrière sous le fascisme, etc.), ni certains pays (comme l’Allemagne ou l’Es- pagne). Remarquons également que certaines thé- matiques comme le travail des femmes auraient pu être développées davantage. Enfin, force est de constater que la classe ouvrière est évoquée sans préciser s’il s’agit-il d’un groupe social fondé sur un certain type de travail (manuel), sur une activité socio-économique ou sur un rapport social.

Au XIXe siècle, lorsqu’un nombre croissant d’hommes, de femmes et d’enfants travaillent dans l’industrie naissante, les journées de travail s’allongent considérablement par rapport à l’Ancien Régime. En même temps, le temps de travail tend à se dissocier des rythmes biologiques tout en devenant de plus en plus intense. Les patrons imposent aux ouvriers une discipline tant à l’intérieur qu’à l’extérieur des usines. En Suisse, la journée de travail varie généralement entre 15 et 16 heures, dans des conditions hygiéniques épouvantables. La limitation de la durée légale du travail n’intervient qu’après plusieurs décennies de luttes ouvrières. Les cantons suisses sont pionniers à l’échelle internationale dans l’adoption de lois sur le travail. Glaris est le premier à inscrire en 1864 une limite journalière de 12 heures pour tout adulte travaillant dans l’industrie. En 1877, la première Loi fédérale sur le travail dans les fabriques limite la journée de travail à 11 heures (10 le samedi). Une nouvelle diminution légale de la durée du temps de travail intervient au niveau fédéral avec la limitation de la journée de travail à 10 heures en 1914, puis de la semaine à 48 heures en 1919.
Cet entretien paraît dans le journal Le Courrier du 10 novembre 2015 à propos du passage de quarante à quarante-deux heures de travail hebdomadaires pour les fonctionnaires, réclamé par le Conseil d’État du Canton de Genève. Ce même jour se déroule en effet une grève de la fonction publique genevoise contre cette mesure.
Note de lecture publiée dans la revue Les Mondes du Travail, n°15, 2015.
Une grève est en cours à l’Aéroport international de Genève (AIG) depuis le 14 septembre 2013. Après celles de Swissport, Dnata et ISS Aviation en 2010, elle se déroule aujourd’hui chez Gate Gourmet, leader mondial de la restauration pour les compagnies aériennes. Le personnel soutenu par le Syndicat des services publics (SSP-VPOD) s’oppose à une dégradation drastique de ses conditions de travail. Ce type de lutte est assez exceptionnel en Suisse. En effet, les conflits de travail débouchent rarement sur une grève. De plus, les employeurs disposent de puissants moyens légaux pour limiter le recours à cet « instrument de lutte » des travailleurs. La lutte des grévistes de Gate Gourmet met en évidence l’inefficacité des actuelles Conventions collectives de travail (CCT) dans la prévention du dumping salarial. Pire, les employeurs peuvent jouer sur des CCT pour baisser les salaires, sous le regard bienveillant des pouvoirs politiques, unissant la droite et la « gauche ». Cet article a été publié dans le mensuel allemand SoZ. Un entretien avec les grévistes a été publié sur ce site en date du 31 octobre 2013.

Marlène Benquet, Les damnées de la caisse. Grève dans un hypermarché, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauges, 2011, 238 pages.
S. Béroud et P. Bouffartigue (dir,), Quand le travail se précarise, quelles résistances collectives?, La Dispute, Paris, 2009, 355 pages