• Notes de lecture

    Note de lecture de “La désynchronisation des temps professionnels. Vers un nouvel ordre temporel?” (Octarès, 2021)

    Cianferoni, N., note de lecture de: Timo Giotto (2021), La désynchronisation des temps professionnels. Vers un nouvel ordre temporel?, (Toulouse, Octarès, coll. « Temporalités: travail et sociétés », 2021, 252 p.) dans Travail et Emploi, n° 168, 2022.


    Le phénomène de synchronisation des temps de travail à l’œuvre depuis la révolution industrielle est-il révolu ? La réponse est positive si l’on est convaincu par la thèse avancée dans ce livre. D’après son auteur, Timo Giotto, nous assistons maintenant à un phénomène de désynchronisation des temps sociaux, c’est-à-dire à un éclatement des temps professionnels et sociaux, à une irrégularité croissante des activités humaines nécessitant davantage de coordination. Pour exposer ses arguments, T. Giotto structure son livre autour de quatre sections. La première présente la notion de désynchronisation sur les plans théorique et historique. La deuxième s’intéresse aux comptes épargne-temps (CET) qui représentent son objet d’étude. La troisième analyse le vécu des salariés par rapport à ce dispositif. La quatrième propose, pour terminer, une synthèse des analyses en tentant de mesurer l’impact de la désynchronisation sur la société.

  • Colloques

    Les recherches sur le temps de travail en Allemagne

    Ce billet est paru sur le blog de la revue Les Mondes du Travail le 9 janvier 2023.


    Par Nicola Cianferoni [1]

    Le 20-21 octobre 2022 s’est tenu à Dortmund une rencontre sur le temps de travail autour de la 4e Conférence spécialisée sur le temps de travail en Allemagne (BAuA-Fachveranstaltung Arbeitszeit in Deutschland) et du 10e Colloque de la Société germanophone du temps de travail (Symposium der Arbeitszeitgesellschaft). Le premier réunit les spécialistes du temps de travail qui réalisent leurs activités de recherche en Allemagne pour le compte de l’Office fédéral pour la protection de la santé et la médecine du travail (Bundesanstalt für Arbeitsschutz und Arbeitsmedizin – BauA). Le deuxième discute des recherches plus abouties en incluant des contributions venant d’Autriche et de Suisse. Les activités de ce réseau germanophone sont méconnues auprès du monde scientifique francophone. Après avoir participé à ce colloque, je résume dans ce billet les principaux travaux qui ont été discutés au cours de ces deux journées [2]. Je pense qu’ils contribuant à comprendre les mutations en cours dans le salariat et le monde du travail plus en général, en prenant un certain recul par rapport aux approches et débats français.

  • Notes de lecture

    Note de lecture de “Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine” (La Découverte, 2019)

    Cianferoni, N., note de lecture de: Eric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret, Xavier Vigna (coord.). Les enquêtes ouvrières dans l’Europe contemporaine: entre pratiques scientifiques et passions politiques (Paris: La Découverte, 455 p.), Les Mondes du Travail, n°127, 2021, p. 197-200.

    Ce livre coordonné par Éric Geerkens, Nicolas Hatzfeld, Isabelle Lespinet-Moret et Xavier Vigna rassemble des travaux divers, fouillés empirique- ment, qui portent sur l’enquête ouvrière au 19ème et 20ème siècle. Comme l’indique l’introduction, l’enquête se distingue « de l’étude, par le contact avec la réalité observée ; du témoignage, par la dis- tance qu’entraîne la dissociation de l’auteur et du sujet et le caractère méthodique des réflexions déployées » (p. 6). La réalité que cible l’enquête ouvrière est issue de l’industrialisation qui boule- verse et modernise les sociétés, en plongeant une partie de la population laborieuse dans le paupé- risme. Le livre délivre la très grande diversité des actrices et acteurs, des thématiques, desseins et méthodes mobilisées dans ces enquêtes ayant pour objet la condition de la classe ouvrière. Loin de porter seulement sur les conditions de travail dans les usines, elles prennent en compte aussi d’autres aspects comme le logement, les pratiques de consommation, la santé et l’hygiène, les loisirs, la sociabilité ou encore les pratiques militantes. En dépit des nombreuses contributions riches et ori- ginales, le livre est très hétéroclite et n’aborde ni certaines thématiques (comme la spécificité du travail migrant et celui dans les colonies, le mou- vement ouvrier et son lien avec le quotidien des ouvriers, la condition ouvrière sous le fascisme, etc.), ni certains pays (comme l’Allemagne ou l’Es- pagne). Remarquons également que certaines thé- matiques comme le travail des femmes auraient pu être développées davantage. Enfin, force est de constater que la classe ouvrière est évoquée sans préciser s’il s’agit-il d’un groupe social fondé sur un certain type de travail (manuel), sur une activité socio-économique ou sur un rapport social.

  • Articles de revue

    La pointeuse à l’épreuve de la dilatation des temps dans la grande distribution

    Cet article paraît dans la revue Temporalités, n° 31-32, 2020.
    En libre accès ici: https://doi.org/10.4000/temporalites.7685

    Les fonctions d’encadrement qui n’enregistrent pas le temps de travail connaissent un allongement de ce dernier. Une étude dans la grande distribution en Suisse révèle cependant que la dilatation du temps de travail des cadres est liée au fonctionnement des magasins et à la coordination des flux de clients et de marchandises, dans une entreprise où les activités productives sont éclatées et décentralisées. Le travail amené à la maison ou la fatigue accumulée ont pour conséquence de placer les cadres sous tension. Ainsi, la dilatation du temps de travail et la fragmentation des activités productives présupposent une division inégalitaire du travail domestique entre les sexes et implique un «coût social» en termes de renoncement à la vie sociale et familiale. Si l’abolition de la pointeuse n’apparaît pas comme étant la cause de l’allongement du temps de travail, cet outil de mesure n’est pas sans enjeux, car son absence permet d’occulter ce phénomène. Les contraintes sociales sont intériorisées sous la forme de choix personnels et favorisent l’apparition d’une forme de fatalisme qui semble s’imposer aux individus. Nous apportons trois explications à ce phénomène: l’idéologie de genre traditionnelle, la disponibilité temporelle corporative et/ou professionnelle spécifique aux cadres et la faiblesse structurelle du syndicalisme.

    Citation conseillée

    Cianferoni, N. (2020). La pointeuse à l’épreuve de la dilatation des temps dans la grande distribution. Temporalités, 31–32. https://doi.org/10.4000/temporalites.7685
  • Articles de revue,  Travaux de recherche

    L’enregistrement simplifié du temps de travail doit être mieux encadré

    Certains actifs bénéficient d’un régime dérogatoire en matière d’enregistrement du temps de travail. Une étude montre qu’ils sont davantage concernés par des horaires longs et atypiques, rendant la conciliation entre travail et famille difficile. C’est ce que montre l’article paru en français et en allemand dans le numéro 11/92 de la revue La Vie économique / Die Volkswirtschaft éditée par le Secrétariat d’État à l’économie (SECO).

    Résumé

    Un dispositif légal plus souple existe depuis 2016 en matière d’enregistrement du temps de travail. Lors de la révision de l’ordonnance 1 de la loi sur le travail (OLT 1), le Conseil fédéral a en effet décidé, en accord avec les partenaires sociaux, d’instituer un régime dérogatoire encadré par deux nouvelles dispositions. Tout d’abord, l’article 73a OLT 1 prévoit désormais la possibilité de ne plus enregistrer le temps de travail pour les travailleurs touchant un salaire brut annuel supérieur à 120 000 francs et disposant d’une grande autonomie dans l’organisation de leur travail, y compris dans l’aménagement de leurs horaires. D’autre part, l’article 73b OLT 1 prévoit la possibilité d’enregistrer uniquement la durée totale du travail quotidien pour les travailleurs disposant d’une autonomie significative en matière d’horaires de travail. Il importe cependant que l’esprit de la loi sur le travail (LTr) soit respecté en ce qui concerne la protection de la santé des travailleurs.

    Bonvin, J.-M., Cianferoni, N., & Kempeneers, P. (2019). L’enregistrement du temps de travail doit être mieux encadré. La Vie Économique, 11, 53–55. Cite Download

    Zusammenfassung

    Seit 2016 besteht ein flexiblerer gesetzlicher Rahmen für die Arbeitszeiterfassung. Bei der Revision der Verordnung 1 zum Arbeitsgesetz (ArGV 1) hat der Bundesrat im Einvernehmen mit den Sozialpartnern beschlossen, eine Ausnahmeregelung mit zwei neuen Bestimmungen einzuführen. Zum einen ist in Artikel 73a nun die Möglichkeit vorgesehen, auf die Arbeitszeiterfassung zu verzichten, sofern die betroffenen Arbeitnehmenden ein Bruttojahreseinkommen von mehr als 120’000 Franken beziehen und bei ihrer Arbeit über grosse Autonomie verfügen, einschliesslich bei der Festlegung ihrer Arbeitszeiten. Zum anderen kann gemäss Artikel 73b für Arbeitnehmende, die ihre Arbeitszeiten zu einem erheblichen Teil selber festlegen können, ausschliesslich die geleistete tägliche Arbeitszeit erfasst werden. Dabei gilt jedoch: Der Gesundheitsschutz der Beschäftigten muss dem Sinn und Geist des Arbeitsgesetzes (ArG) Rechnung tragen.

    Bonvin, J.-M., Cianferoni, N., & Kempeneers, P. (2019). Vereinfachte Arbeitszeiterfassung besser umsetzen und kontrollieren. La Vie Économique, 11, 53–55. Cite Download
  • Conférence – Temps de travail et temps libre. Un retour vers le futur? – Musée historique de Lausanne

    Autour de l’exposition «Time off. L’usage des loisirs»

    La manière de disposer de son temps a beaucoup évolué entre le 19e et le 20e siècle. Les politiques sociales, l’allongement de l’espérance de vie et l’essor de la consommation de masse ont modifié notre relation au temps. Que révèlent les enquêtes sociologiques sur l’évolution contemporaine du travail? Quel est l’impact des nouveaux phénomènes tels que la numérisation?

    Conférence-débat avec le sociologue Nicola Cianferoni, post-doctorant aux universités de Genève et Neuchâtel, auteur de Travailler dans la grande distribution. La journée de travail va-t-elle redevenir une question sociale?

     


  • Livres

    Journée de travail: le grand bon en arrière?

    Le sociologue Nicola Cianferoni a étudié l’organisation du travail au sein de deux géants de la grande distribution. Il y perçoit les signes d’une rupture historique: l’amorce d’une tendance à l’allongement du temps de labeur.

    Interview paru dans l’hebdomadaire Services publics le 17.1.2020.

    Par Guy Zurkinden

    Le secteur que vous étudiez est soumis à un profond chamboulement…

    Nicola Cianferoni – La grande distribution s’est fortement développée au lendemain de la 2e Guerre Mondiale dans un contexte de croissance démographique, d’urbanisation et de hausse du pouvoir d’achat. Aujourd’hui, elle est confrontée à un chiffre d’affaires qui stagne et à une concurrence qui s’exacerbe avec l’essor du commerce en ligne, l’arrivée des hard discounts, les nouvelles habitudes des consommateurs, etc. Les marges sont donc sous pression. Dans un magasin, 80% des coûts sont liés au personnel. Pour maintenir la rentabilité, les directions diminuent le nombre d’emplois et changent l’organisation du travail. Elles exigent plus de flexibilité en favorisant l’engagement à temps partiel, en introduisant la polyvalence (pour assurer le remplacement des collègues) et en annualisant les horaires de travail. Tout ceci a pour but d’ajuster au plus près la main-d’œuvre aux flux de marchandises et de clients.

  • Conférence sur le temps de travail pour UNIA – Groupe Migration à La Chaux-de-Fonds

    La journée de travail va-t-elle redevenir une question sociale? Réflexions à partir d’une étude sur la grande distribution suisse et d’autres recherches sur les conditions de travail

    Les études empiriques sur la condition des travailleuses et travailleurs sont fort précieuses: elles aident à comprendre autant leurs conditions dans les coulisses de la production que les dynamiques en cours au niveau des rapports sociaux. C’est précisément ce que Nicola Cianferoni propose dans son livre Travailler dans la grande distribution. La journée de travail va-t-elle redevenir une question sociale? paru aux éditions Seismo (Genève et Zurich) en septembre 2019. À l’appui de 78 entretiens réalisés avec des dirigeants, des travailleuses et travailleurs de divers échelons hiérarchiques et des secrétaires syndicaux, il constate que la journée de travail prend une place de plus en plus centrale dans la vie sociale. Les trois phénomènes qu’il observe empiriquement de l’intensification, la disponibilité temporelle et la déqualification se produisent dans un contexte où le temps de travail a cessé de diminuer depuis les années 1990 – voire même où il augmente pour certaines catégories du personnel. À l’appui de cette longue enquête sur les supermarchés et d’autres recherches qu’il a mené sur les conditions de travail, l’auteur apportera des éclairages sur les raisons pour lesquelles le temps de travail tend à devenir plus important dans les pratiques quotidiennes des salarié·e·s, comment cela est vécu par les groupes sociaux directement concernés (les hommes et les femmes ainsi que les différents échelons hiérarchiques), et dans quelle mesure la réduction du temps de travail pourrait redevenir actuelle dans les années à venir.