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Les enjeux autour de la hausse du temps de travail dans la fonction publique genevoise

Cet entretien paraît dans le journal Le Courrier du 10 novembre 2015 à propos du passage de quarante à quarante-deux heures de travail hebdomadaires pour les fonctionnaires, réclamé par le Conseil d’État du Canton de Genève. Ce même jour se déroule en effet une grève de la fonction publique genevoise contre cette mesure.

Qu’implique pour vous l’augmentation du temps de travail préconisée?

Nicola Cianferoni: Il s’agit d’une remise en question d’acquis sociaux. En effet, parvenir à ces quarante heures hebdomadaires a nécessité un chemin long et conflictuel qui remonte au XIXe siècle. Aujourd’hui, cette augmentation s’inscrit dans une tendance globale où les salariés sont contraints de travailler plus, et plus longtemps, comme en témoigne l’élévation de l’âge de la retraite, l’offensive contre les trente-cinq heures en France, etc.

Quel impact aura une telle mesure sur le marché du travail?

L’État participe à la production de normes sur la durée du temps de travail puisqu’il est le plus grand employeur du canton. Il fixe des standards qui se répercutent sur la société. Dans le cas présent, il institutionnalise une hausse du temps de travail qui a déjà eu lieu dans certains secteurs du privé, bien qu’à titre exceptionnel. Cette décision pourrait aussi influencer les autres cantons, qui imiteraient l’exemple genevois.

À quelles conditions une telle hausse pourrait-elle être efficace?

Augmenter le temps de travail oblige à réorganiser les tâches, lorsque les départs ne sont plus remplacés par des engagements. Autrement, cela n’est d’aucune utilité. Le travail des fonctionnaires deviendra alors plus intense, tandis que la qualité des services sera susceptible de se dégrader.

Quel pourrait être l’impact sur le taux d’absentéisme?

Il sera susceptible d’augmenter pour deux raisons. D’une part, le surcroît de fatigue provoqué par l’intensification du temps de travail augmente les risques pour la santé. D’autre part, l’absentéisme peut exprimer une forme de résistance individuelle. Cette forme de contestation silencieuse apparaît lorsque les travailleurs ne parviennent pas à engager une protestation collective.

Pourriez-vous malgré tout trouver un avantage à cela? (1)

Le seul avantage serait que la hausse débouche sur une baisse d’impôts. Encore faudrait-il savoir qui en seraient les bénéficiaires. Pour les salariés, à part cette hypothétique conséquence, je ne vois aucun avantage. Ici, le patronat est le seul gagnant.

Quels seraient les effets sur la vie privée?

Ils seraient nombreux et variés. Par exemple, la prise en charge des enfants devrait être améliorée en élargissant les horaires des crèches ou des parascolaires. Il faudra également être attentif à ne pas accentuer un partage du travail domestique défavorisant davantage les femmes. Le temps dédié aux loisirs personnels sera également amoindri, ce qui peut créer des dégâts en termes de bien-être.

En résumé, pour la majorité des gens, le travail occupe un temps important. De ce fait, un changement dans ce domaine a un impact sur la société en général.
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(1) Ce passage ne reflète pas la version du texte remis à la journaliste et dénature abusivement mon opinion. Je tiens donc à reporter ici la version originale de ce passage. (NC)

Pourriez-vous malgré tout trouver un avantage à cela? Une hausse des heures ne permettrait-elle pas une baisse d’impôts pour les salariés?

«Encore faudrait-il savoir qui en seraient bénéficiaires et pour quels montants. Mais à quel prix? Je ne vois aucun avantage pour les salariés. Bien au contraire. Les employeurs pourraient s’inspirer de cette mesure pour relever le temps de travail dans les entreprises. Ici, seuls les patrons sont gagnants.»

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