• Interviews

    Les méthodes du centre d’appels Avocis. «Dans ce travail, on est totalement à la merci de l’employeur».

    Interview paru dans la revue alencontre.org le 23 février 2015

    Par Nicola Cianferoni

    attachmentAvocis est une entreprise qui fournit des «prestations de services à la clientèle» (customer contact management services) avec 6500 salariés dans trois pays d’Europe: Allemagne, Suisse et Autriche. En 2014, le groupe a dégagé un profit de 29,8 millions d’euros avant intérêts et impôts (EBIT) contre 19,7 millions en 2013 (+34%). Le chiffre d’affaires est de 210 millions pour la même année contre 173 millions en 2013 (+18%). Le taux de rentabilité (EBIT) est passé de 11,4% en 2013 à 14,5% en 2014. Ces chiffres témoignent d’une «rentabilité du capital» très élevée. Cette rentabilité implique une gestion très sanglée de la force de travail.

    Avocis est connue depuis longtemps pour la dureté des conditions de travail. La télévision suisse alémanique SF1 avait déjà relevé que la brutalité des conditions de travail n’est pas seulement à l’avantage d’Avocis, mais aussi des entreprises qui, à l’instar de Swisscom, font appel à ses prestations. Annina Merk, sa porte-parole, se défend ainsi dans l’émission: «Swisscom est l’une des rares entreprises de la branche qui effectue l’ensemble de son service client en Suisse. Cela permet aux travailleurs de profiter du droit du travail suisse». [1] Le témoignage que nous avons recueilli auprès d’un travailleur d’Avocis basé à Lausanne, et que nous proposons ci-dessous sous forme anonyme, donne un aperçu très précis de ce que permet le droit du travail suisse: un salaire horaire de 22 CHF, une durée du travail variable entre 30 et 45 heures selon les besoins de l’entreprise, licenciements arbitraires, etc.

  • Articles de presse

    Les conditions de travail dans les centres d’appels en Suisse

    Article paru dans la revue www.alencontre.org (20.4.2012)

    Du 2 au 4 avril 2012 s’est tenu à Saint-Denis (Paris) le premier colloque international sur les centres d’appels visant à créer un réseau international de syndicalistes, salarié·e·s et spécialistes du secteur. Les syndicats Sud-PTT et CGT-Société d’Etudes, à l’initiative de cet événement, souhaitent ainsi créer un cadre propice aux échanges d’informations sur les conditions de travail et les expériences de lutte.[1]
    Car les centres d’appels se sont développés avant tout suite à la volonté, affichée par les entreprises, de réduire leurs coûts inhérents à la relation avec leur clientèle respective. Si tous les plateaux téléphoniques incluent les mêmes outils techniques (technologie, outils de travail, etc.) et managériaux (fixation d’objectifs de productivité, mise en place de concours, évaluations etc.) ainsi qu’organisationnels (tâches simples et répétitives), les témoignages ont néanmoins mis en évidence l’hétérogénéité des salaires, de l’intensité du travail, de la durée du temps de travail, de l’exercice des droits syndicaux, etc. d’un pays à l’autre, y compris lorsqu’il s’agit de plusieurs sites d’une même firme transnationale. Nous publions ci-dessous deux documents permettant d’éclairer la situation spécifique dans des centres d’appels en Suisse.
    Le premier renvoie à l’intervention de Nicola Cianferoni. Il a été invité afin d’expliquer la situation du secteur en Suisse dans la table ronde sur le thème: «Centres d’appel: les conditions de travail à travers le monde.» Chercheur en sociologie du travail à l’EESP de Lausanne, il connaît – entre autres – les centres d’appels pour y avoir travaillé trois ans comme salarié. En s’appuyant sur son expérience professionnelle au sein d’un centre d’appel sous-traitant d’une grande assurance, il a expliqué les raisons pour lesquelles certaines sociétés choisissent de délocaliser leurs centres d’appels en Suisse plutôt que dans les pays du Sud. Son exposé n’a pas manqué d’étonner les participants: ils n’imaginaient pas que dans «ce petit pays», réputé à l’étranger pour «sa richesse et son bien-être», les centres d’appel reproduisent la dureté des conditions de travail qui peut être repérée, par ailleurs, dans d’autres branches des services ou de l’industrie en Suisse.
    Le deuxième est la traduction d’un article du quotidien zurichois Tages-Anzeiger du 2 novembre 2009. Le journaliste y reproduit une discussion avec un inspecteur du travail et un ancien employé d’un centre d’appel de Zurich, Lido Kommunikation AG. Ce centre d’appel a été délocalisée de l’Allemagne vers la Suisse afin de contourner des dispositions de loi sur le télémarketing et sur le travail. L’article décrit des conditions de travail particulièrement sévères: surveillance des employé·e·s avec trois caméras vidéo, obligation de signaler le temps passé aux toilettes, etc.