• Interviews,  Livres

    Diminuer les heures, pas les salaires

    Sociologue suisse, Nicola Cianferoni publie un livre sur les conditions de travail dans la vente à la suite d’une enquête de terrain dans deux grandes entreprises

    Propos recueilli par Aline Andrey dans l’hebdomadaire L’Événement syndical le 9.10.2019

    Travailler dans la grande distribution. La journée de travail va-t-elle redevenir une question sociale? C’est sous ce titre que Nicola Cianferoni, sociologue du travail, post-doctorant à l’Université de Genève et à celle de Neuchâtel, publie une étude issue d’une enquête de terrain menée de 2012 à 2013 dans le canton de Genève, dans neuf magasins de deux grandes entreprises du secteur. Il y décrit les conditions de travail des employés à différents échelons sur la base d’une septantaine d’entretiens.

    Le chercheur met en exergue trois phénomènes essentiels qui se renforcent depuis les années 1990. Premièrement, une intensification du travail, générée notamment par la polyvalence liée à la diminution progressive du nombre de salariés. Cette intensification entraîne une usure des corps, entre autres des troubles musculo-squelettiques, comme le problème du tunnel carpien spécifique aux caissières. Deuxièmement, une disponibilité temporelle de plus en plus large, conséquence d’une flexibilisation des horaires, des temps partiels contraints, des horaires irréguliers. Troisièmement, une déqualification liée à l’automatisation, notamment chez les bouchers. Ce processus pressurise les travailleurs qui ne sont ni mieux payés ni récompensés d’une réduction du temps de travail (sans perte de salaire). Au contraire, le chercheur observe une augmentation des heures, notamment pour les cadres. D’où l’interrogation de Nicola Cianferoni: la journée de travail va-t-elle redevenir une question sociale?

  • Articles de presse,  Livres

    Le retour de la journée de travail dans la question sociale du 21e siècle

    Cet article est paru dans le Cahier émancipationS du bimensuel SolidaritéS n° 355 le 29.8.2019.

    D’un objet hautement conflictuel de la lutte des classes, le temps de travail a été relégué en deuxième plan au fil des années, derrière des nouveaux enjeux liés à la flexibilité, aux risques psychosociaux ou aux inégalités entre les sexes.

    Le néolibéralisme a profondément changé le travail et l’emploi dans nos sociétés. Dans une perspective d’émancipation sociale, il est indispensable de comprendre ses impacts sur ce que Friedrich Engels avait défini comme « la situation de la classe laborieuse » (1). Aujourd’hui, cette classe laborieuse ne se trouve plus seulement dans les usines à fabrication industrielle, mais aussi dans les centres d’appels, les hôpitaux, les supermarchés, etc.

    Je vais décrire brièvement les trois phénomènes de l’intensification, la disponibilité temporelle et la déqualification que j’ai observés empiriquement. Ils ne représentent pas une nouveauté en tant que telle. La prise en compte de la période historique actuelle me conduit cependant à questionner l’évolution de la journée de travail dans les rapports sociaux de classes.